Journée internationale des femmes, 9 mars 2007

Journée internationale des femmes, 9 mars 2007

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Grand rassemblement à l’Institut océanographique de Paris.
Plus de 500 personnes, de différents horizons politiques, se sont retrouvées à l’Institut Océanographique et ont débattu pendant six heures de l’état des lieux pour les femmes et de la situation politique inédite en France, où une femme de gauche, Ségolène Royal, a des chances d’être élue à la présidence de la république.
Trois grands thèmes ont été abordés : développement démocratique, développement économique et développement humain. Ils ont permis de formuler des propositions en vue d’élaborer une politique globale pour les femmes.
La solidarité internationale pour Aung San Suu Kyi et pour les infirmières bulgares, gravement menacées aujourd’hui, a eu une large place.

La démocratisation de la société : les femmes en politique et la parité
Elisabeth Guigou, députée socialiste de Seine-Saint-Denis, ancienne ministre et Anne Hidalgo, première adjointe au Maire de Paris, conseillère régionale socialiste d’Ile-de-France, ont souligné la nécessité de  » terminer la révolution de la parité » à tous les niveaux et dans tous les organes représentatifs et ont affirmé l’importance du vote pour Ségolène Royal.
Christiane Taubira, députée de Guyane du Parti radical, ancienne députée européenne, a déclaré avec force « Nous femmes, nous donnons assaut au pouvoir, oui, nous allons prendre la citadelle …» et a développé l’idée de Aung San Suu Kyi : « Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt mais la peur ».
Plusieurs femmes élues Huguette Legros, Reine Mataix et Marie-Thérèse Guidoux, membres de l’association « Elles aussi », ont témoigné de la rudesse du combat quotidien pour transformer les pratiques de la vie politique et insisté sur la nécessité de la parité à toutes les élections.
Antoinette Fouque, qui a animé les débats, a rappelé que le mouvement des femmes, indépendant des partis, avait été le moteur de toutes ces avancées, entraînant la gauche, avec le relais des femmes dans les syndicats et les partis, et finalement aussi la droite, jusqu’aux grandes réformes législatives pour les droits des femmes : la loi sur l’IVG, par exemple, arrachée par les luttes des femmes, défendue par une ministre de droite et votée grâce aux voix de la gauche ; la loi sur la parité voulue par un gouvernement de gauche et adoptée aussi avec des voix de droite : « La révolution du symbolique est enracinée puissamment à gauche…ici, parler des femmes, c’est presque parler de la gauche » a-t-elle ajouté.
Claude du Granrut, ancienne députée européenne et vice présidente UDF du Conseil régional de Picardie, a témoigné de la nécessaire solidarité -au-delà des appartenances politiques- entre les femmes du mouvement et les femmes politiques, de gauche, de droite. Elle dit l’avoir expérimentée au Parlement européen alors qu’Antoinette Fouque y était élue, et fait le constat que, au-delà de toutes les victoires, la bataille devait absolument être poursuivie.
La journaliste Christine Clerc, qui a précisé n’avoir pas encore fait son choix pour l’élection, a évoqué la misogynie des médias, en général et à l’égard de la candidate socialiste, en particulier, posant cetet question cruciale « Comment pourrait-il y avoir une parité en politique si les femmes restent invisibles ou sont l’objet d’attaques incessantes dans les médias ? », s’est-elle très légitimement demandé.
Analyse et questions relayées au cours de la soirée par Isabelle Germain co-présidente de l’Association des femmes journalistes, puis par Marlène Coulomb, Professeure en Sciences de l’information et de la communication à l’Université de Toulouse.
Maité Albagly, pour le Planning familial, a dit combien elle approuvait dans le programme de Ségolène Royal, la gratuité de la contraception pour les jeunes filles avant 25 ans et la promesse de loi cadre contre les violences. Elle a demandé un vrai ministère de l’Egalité hommes-femmes,  qui constitue un « observatoire interministériel » et soit doté de « vrais moyens » pour que les promesses faites depuis de nombreuses années soient enfin tenues.
Dans le même sens, Antoinette Fouque a souhaité, comme elle l’avait fait dans une proposition à Michèle André, alors Secrétaire d’Etat chargée des droits des femmes, la création d’un poste de Vice-premier ministre, de l’autre sexe que celui du premier ministre. La parité dans la prise de décision deviendrait plus effective au plus haut niveau, et cela permettrait également de prendre en compte la transversalité des questions des femmes
Dans ce débat sont intervenus également Kate Millett et Alain Touraine. La première, grande figure du féminisme américain, écrivaine, qui, après avoir rendu hommage aux luttes des femmes iraniennes, -33 militantes des droits des femmes emprisonnées à Téhéran le 4 mars 2007 -, a déclaré : « Partout des femmes se lèvent en toute indépendance, rien ne les arrêtera et c’est avec une grande joie et beaucoup d’admiration que, depuis les Etats-Unis, nous suivons le parcours de Ségolène Royal ».   Le second, sociologue, auteur du récent « Le Monde des femmes », a dit son inquiétude devant les régressions qui menacent la société française et placé au centre des débats le problème des femmes, « le problème le plus général, celui qui touche le plus d’aspects de notre société et de notre culture ».

Laïcité
Wassyla Tamzali, ex-responsable du programme femmes à l’UNESCO, est venue d’Alger apporter son soutien à Ségolène Royal dont la candidature est si importante pour les femmes. Elle a souligné la nécessité absolue pour la France, de défendre la laïcité et regretté vivement qu’il y ait «dans la société politique française une trop grande tolérance pour l’infériorisation des femmes d’autres cultures ».  Les conventions bilatérales avec l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, sont notamment, le signe d’ «une acceptation profonde de l’inégalité» et il faut y mettre fin.
Elle a été vivement appuyée par Jacques Lansac, Président du Collège des gynécologues-obstétriciens de France. Celui-ci a protesté contre des atteintes violentes au principe de laïcité de la part d’intégristes religieux dont des femmes sont trop souvent victimes dans les hôpitaux, ainsi que les équipes soignantes, .
De même Agnès Maresse, la secrétaire générale de l’ACGF (Action Catholique Générale Félminine), s’est réclamée de la laïcité comme d’ une valeur de notre démocratie, portée par les femmes de son association.
Antoinette Fouque a mis en évidence que « les femmes qui n’ont jamais fait partie du « clergé », des « clercs » , sont, au sens propre comme au sens figuré, « la laïcité même ». Ségolène Royal rend au peuple les trois vertus que les religions ont confisqué à leur profit : l’espérance, la foi, la charité qui sont celles des femmes » a-t-elle dit, ajoutant que sa candidature représente « une sortie des monothéismes, tous écrasants pour les femmes. »

Lutter contre la pauvreté et les violences à l’égard des femmes : la condition d’un développement durable
Le constat général est très négatif avec une pauvreté et une précarité qui se féminisent toujours davantage et dont les effets sont particulièrement dévastateurs pour celles qui élèvent seules leurs enfants. Avec aussi une montée des violences contre les femmes dans la famille comme à l’extérieur, sans que les pouvoirs publics n’aient mesuré l’urgence de les combattre globalement et avec détermination.
Seynabou Dia, Directrice générale adjointe du Secours populaire français, a relevé que la pauvreté des femmes reste « invisible »,alors même que la majorité des RMIstes sont des femmes, que 8000 d’entre elles vivent en-dessous du seuil de pauvreté et que bien d’autres faits et chiffres démontrent sa réalité.
Marie-Noëlle Blazy, de l’Association pour la réinsertion sociale à Marseille, a rappelé que 10 000 adolescentes deviennent mères chaque année et se retrouvent privées de tous droits sociaux, menacées plus grand dénuement.

Monia Haddaoui a témoigné de son combat pour obtenir justice pour sa fille Ghofrane, et appelé à la mobilisation au moment du procès de ses meurtriers présumés, qui doit avoir lieu les 10, 11, 12 avril aux Assises d’Aix-en-Provence et auquel L’Alliance des femmes pour la d émocratie sera partie civile.
Muriel de Gaudemont, présidente de la Commission femmes d’Amnesty International qui fait campagne contre les violences faites aux femmes, s’est scandalisée de l’absence de réaction de la société française devant le fait qu’une femme est tuée, par un proche, tous les trois jours au pays des droits de l’homme.
Céline Laplante, responsable d’un foyer de femmes battues à Meaux a constaté que ce drame social est toujours tenu dans l’invisibilité et que les structures d’accueil sont très insuffisantes pour faire face aux besoins.
Malka Markovich, directrice pour l’Europe de la Coalition contre la traite des femmes (CATW), a rappelé que la prostitution est la pire des violences et réaffirmé le combat de son association pour obtenir la pénalisation des clients de la prostitution.

La santé génésique et le développement humain
Avec plus de 830 000 naissances en 2006, en France, les femmes ont battu le record de fécondité européen mais de nombreux problèmes subsistent : accès pour les femmes à une médecine spécialisée, lutte contre les contaminations et l’infertilité. La santé génésique doit être reconnue comme une priorité nationale.
Marie-Anick Rouméas, gynécologue médicale, a lancé un cri d’alarme sur le recul du nombre de gynécologues. La relève n’est plus assurée alors que c’est la seule spécialité qui prend en charge la santé des femmes dans sa spécificité et sa globalité. Le recrutement des gynécologues en nombre suffisant doit être relancé.
La contamination par le virus du SIDA frappe de plus en plus de femmes, Barbara Wagner, présidente de l’association Femmes Positives a témoigné de la lutte de ces femmes délibérément contaminées par leur compagnon, leur mari, pour faire reconnaître le caractère criminel de cet acte.
Laure Camborieux, présidente de l’association MAIA contre l’infertilité, a souhaité faire entendre la voix des couples infertiles pour que soient mises en place des mesures qui facilitent les dons de gamètes, et pour que soient discutées la question de l’anonymat du don ainsi que la reconnaissance de «  la gestation pour autrui ».
Régine Sellier, pédiatre à Marseille, est intervenue à propos de l’accouchement sous X :. « L’enfant né sous X n’a pas de filiation, il est a-filiation. Alors que l’enfant est issu du corps d’une femme qui est un être sexué, vivant, qui pense et qui parle, la loi organise ici un statut qui indique qu’ils ne sont nés de personne ».(…) « Cela représente la forclusion du corps de la mère selon le concept d’Antoinette Fouque, c’est comme si ces femmes n’existaient pas, c’est la mise mort symbolique des femmes qui s’opère ici »  
Comment sortir de cette forclusion et pourtant préserver le secret, quand celui-ci est vital pour la mère ?

Les solidarités internationales ont été évoquées tout au long de de cette soirée avec le souci de développer des moyens efficaces pour faire face à toutes les urgences.
Bernadette Sayo, réfugiée politique, Présidente de l’OCODEFAD, a témoigné de son combat et lancé un appel à la solidarité avec les femmes et les enfants victimes de viols pendant la guerre civile de 2002 en République Centre Africaine.
Philippine Leroy-Beaulieu, actrice, initiatrice de l’opération « 90 jours pour sauver Aung San Suu Kyi », est intervenue pour rappeler le scandale de sa détention par la junte birmane et la nécessité de la mobilisation pour sa libération.
Antoine Alexiev représentant d’ « Avocats sans frontières » et Thierry Vernet du collectif SIBEL, évoquaient la même nécessité pour sauver les vies des infirmières bulgares condamnées à mort en Libye. Une cause à laquelle l’Alliande des femmes a significativement contribué.
Antoinette Fouque a évoqué sa rencontre avec Aung San Suu Kyi, à son retour de Pékin en 1995 et rendu hommage à son courage et à sa détermination exemplaires. Elle propose une fédération des associations pour faire face à toutes ces urgences car : « C’est la même cause, c’est la vie ».
Tels sont les enseignements tirés de ces débats qui ont pris fin après minuit, riches d’expériences et « d’espérances » dans un avenir plus solidaire pour tous et plus clément pour les femmes, plus à l’écoute de leurs mouvements vitaux pour la société.

La conviction était partagée par une grande partie des participantes, que pour faire aboutir ces propositions, « côté cœur et côté raison », il faut voter et faire voter pour Ségolène Royal dès le premier tour de cette élection présidentielle.