À l’heure où il est question, avec le Grand Débat National, de refonder le contrat social, nous relevons que les femmes, leur situation spécifique, leurs besoins et leurs désirs ne sont pratiquement pas évoqués.
Très nombreuses et actives dans le mouvement des Gilets jaunes qu’elles ont initié, elles ont été marginalisées par les medias, supplantées par des personnalités virilistes et excluantes et sont parfois même menacées. Quant à la Lettre aux Français du Président de la République, elle oublie purement et simplement les Françaises, c’est-à-dire 51 % de la population.
Ce n’est pourtant pas faute pour elles de s’exprimer. Mais elles se heurtent à une surdité, à une indifférence, à un déni d’existence, à une ingratitude, qui sont l’une des premières violences exercées contre elles.
Femmes engagées pour les droits des femmes, venues de divers horizons et réunies dans le cadre d’un Grand débat des femmes, le 16 février 2019, à l’initiative de l’Alliance des femmes pour la démocratie fondée par Antoinette Fouque, nous avons voulu réaffirmer que pour sortir de la crise et transformer positivement la société, il faut compter sur l’action et l’intelligence collective des femmes sur qui reposent principalement la vie et le bien-être de la société.
Les femmes sont pénalisées du plus qu’elles apportent à la société !
Elles sont les premières productrices de richesses du pays.
Elles constituent la moitié de la population dite « active ».
Elles font près de 800 000 enfants par an qu’elles prennent en grande partie en charge, et assurent de manière inégalitaire le travail domestique et les soins aux aîné.e.s et à ceux et celles en difficulté.
Dans les villes, les quartiers, les campagnes, elles sont les premières à créer du lien social et à lutter contre l’exclusion.
Mais à l’exception de l’activité professionnelle, leurs productions s’effectuent au noir, sans aucune reconnaissance et ne sont ni évaluées ni comptabilisées. Au lieu d’en être gratifiées, les femmes en sont pénalisées dans tous les domaines.
Elles sont les pauvres parmi les pauvres.
Malgré les progrès accomplis, elles forment toujours 70 % des travailleurs auxquels leurs revenus cumulés – salaire et allocations – ne permettent pas de franchir le seuil de pauvreté.
Elles sont 80 % des travailleur.euse.s à temps partiel ; près de 9 chef.fe.s de famille monoparentale sur 10, sans soutien suffisant pour la garde des enfants.
Tous postes confondus, leur salaire moyen annuel est inférieur de 24 % à celui des hommes.
Exclusion, plafond de verre, horaires non adaptés, dénigrement et délégitimation, insultes sexistes, harcèlement moral et sexuel les bloquent dans leur élan et l’exercice de leurs responsabilités.
Leurs retraites sont en moyenne 40 % plus basses que celles des hommes.
Le recul des services publics, la baisse du pouvoir d’achat, les frappent au premier chef, elles et les enfants qu’elles élèvent.
Les difficultés sont encore renforcées en zone rurale car s’y ajoutent l’isolement et la distance.
Les migrantes cumulent quant à elles toutes les discriminations, exclusions et violences.
La pauvreté des femmes est structurelle, politique. Elle est inversement proportionnelle à leur apport à la société.
Malgré les avancées majeures des cinquante dernières années,
les femmes sont en proie à une misogynie exacerbée.
Elles ont, grâce à leurs luttes, gagné accès à tous les champs de l’activité humaine et obtenu de grandes avancées avec la maîtrise de la fécondité, les lois sur l’égalité et la parité et la reconnaissance de leurs droits humains. Mais ces droits et libertés sont chaque jour attaqués. Et force est de constater que les lois et mesures adoptées sont trop partielles, trop peu appliquées, dotées de trop peu moyens, et soutenues par une volonté politique insuffisante pour endiguer la régression sur le terrain.
Partout en butte aux mauvais traitements
Première cause de mortalité des Européennes de 16 à 44 ans, avant les accidents de la route et le cancer, les violences qu’elles subissent ne cessent d’augmenter : 23 % de plus en France, en 2018. Depuis le début de 2019, une femme a été tuée tous les deux jours par son compagnon. Et de tous les crimes, le viol est celui qui est le moins sanctionné. Mal accueillies et souvent maltraitées par les tribunaux, les femmes portent peu plainte et 1 % seulement de leurs plaintes aboutissent à une condamnation. La situation ne fait que s’aggraver : en dix ans, les condamnations ont baissé de 40 % pour le viol et de 23 % pour l’ensemble des violences sexuelles.
Partout, dans la rue, au travail, au foyer, les femmes sont harcelées, humiliées, menacées. Et aucune n’y échappe à un moment ou à un autre de sa vie.
Dans ce contexte et pour la quatrième année consécutive, le taux de natalité, interprété comme un signe de bonne santé actuelle et future d’un pays, est en baisse, ce qui n’est pas nécessairement le choix des femmes.
Un déni d’humanité et des droits fondamentaux !
Cette situation constitue une injustice majeure, une entrave à la liberté et à la citoyenneté des femmes, une persistance de l’esclavagisme, un affaiblissement démocratique insupportable.
C’est aussi un déni d’humanité suicidaire là où les femmes portent des valeurs opposées à la guerre, la domination de l’autre, l’individualisme néo-libéral et la violence ; là où elles font le choix de la parole, de l’accueil, du partage.
Il faut une prise de conscience radicale et une véritable volonté politique de lutter contre :ce fléau qu’est la misogynie au même titre que les autres discours de haine qui en découlent: antisémitisme, racisme, xénophobie, homophobie.
Il faut une politique globale et déterminée pour les femmes !
DU GRAND DÉBAT DES FEMMES DU 16 FÉVRIER 2019 SONT ISSUES LES PREMIÈRES PROPOSITIONS SUIVANTES
Reconnaissance et valorisation du travail vital que les femmes apportent au pays et au monde !
– Il faut changer de logiciel ; le modèle de l’homo economicus égoïste, individualiste, prédateur, en compétition permanente est en faillite. Il faut renverser la perspective, renforcer les solidarités humaines et le respect de la planète, conditions de la survie de l’humanité.
– Il faut intégrer à la production de richesses la part du travail non-marchand, y compris celui de faire les enfants.
– Nous voulons des statistiques sexuées qui recensent dans tous les domaines la contribution des femmes à la société ainsi que les discriminations et violences qu’elles subissent.
L’égalité professionnelle doit enfin devenir une réalité !
– Les lois sur l’égalité professionnelle adoptées depuis 40 ans se sont montrées largement inefficaces. Elles doivent être renforcées et les entreprises qui ne les appliquent pas doivent être listées sur une plateforme publique, dénoncées et sanctionnées économiquement comme le sont les partis politiques en cas de non respect de la parité.
Le gouvernement vient d’annoncer que la France va instaurer à cet égard dès mars 2019 une obligation de résultat pour les entreprises de plus de 1000 salarié.e.s. Il faudra l’étendre aux PME, qui sont 28 fois plus nombreuses, et veiller à son application.
– Tolérance zéro dans les entreprises et les services publics à l’égard des mauvais traitements, insultes, harcèlement moral et sexuel et protection des victimes qui dénoncent ces faits contre le risque de perte de leur emploi
– L’organisation du travail et les congés parentaux doivent être repensés de manière à soutenir le partage des tâches d’éducation des enfants. Il faut faciliter le retour à l’emploi après le congé parental.
– Des crèches adaptées aux besoins de toutes et tous doivent être rendues disponibles aux parents par les entreprises et le service public.
– Des campagnes incitatives en direction des jeunes filles – en particulier celles issues de l’immigration – doivent être organisées durant leur scolarité, pour qu’elles ne renoncent pas à leur légitime ambition.
Il faut un plan Marshall de lutte contre la pauvreté des femmes !
Il est urgent de :
– reconnaître l’importance vitale des emplois majoritairement exercés par des femmes (éducation, soins, travail social, garde d’enfants, propreté) qui concourent au bien commun et de les revaloriser. Ils sont la clé de voûte de notre société au même titre que les secteurs des technosciences et de la finance.
– proposer plus systématiquement aux non diplômées des formations qualifiantes gratuites et en particulier aux femmes immigrées ou issues de l’immigration souvent reléguées dans des emplois familiaux ou domestiques précaires, disqualifiés et sous payés.
– doubler le nombre des emplois liés à la petite enfance et au grand âge à l’aide d’un financement public. Il ne s’agit pas d’un coût social mais d’un investissement humain et d’un devoir.
– Lutter contre la fracture numérique qui touche particulièrement les femmes.
Il faut :
– assurer la présence de services publics de qualité sur tout le territoire pour toutes et tous (santé, éducation, assistance à domicile, transports).
– des mesures d’action positive pour les femmes qui élèvent seules des enfants : accès à l’emploi, garde d’enfants, logement, formation professionnelle, droits à la retraite, meilleur accès à l’agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires (ARIPA), et création d’un fonds de solidarité.
– des centres d’hébergement durables et non mixtes pour les femmes dans la pauvreté, de plus en plus nombreuses parmi les SDF, même avec des enfants.
– une revalorisation immédiate des retraites de celles et ceux qui ont cessé leur travail professionnel pour élever des enfants. Il est scandaleux d’entendre parler de supprimer les pensions de réversion qui ne suffisent même pas à combler l’écart des retraites entre hommes et femmes.
– mieux informer les femmes de leurs droits dans tous les domaines ; simplifier les démarches administratives pour l’accès aux aides possibles.
– mettre en place un accueil spécifique et protecteur pour les migrantes à leur arrivée en France et accorder l’asile politique aux femmes victimes de persécutions dans leur pays en raison de leur sexe.
Respect pour les femmes, leur dignité et leur intégrité !
Tolérance zéro face au sexisme et à la misogynie, à la délégitimation permanente des femmes ! Les crimes sexistes doivent être dénoncés et sanctionnés au même titre que les crimes antisémites, racistes, homophobes. Comme eux, ils ne sont pas des faits divers mais des faits politiques.
Il faut une loi-cadre contre les violences faites aux femmes, qui prévoit :
– des mesures radicales pour sauver la vie des femmes et des enfants, protéger ces derniers contre l’inceste et la pédophilie, assurer la sécurité des femmes battues, avec une attention particulière pour celles isolées, plus exposées, qui vivent en zone rurale.
– l’inscription dans le code pénal du crime de féminicide.
– des centres d’hébergement accessibles pour les femmes victimes de violences quelle que soit leur nationalité.
– des interdictions assorties de sanctions substantielles à l’égard des auteurs des propos et attaques sexistes et misogynes, en tous lieux et sur les réseaux sociaux, avec mise en cause de la responsabilité des hébergeurs.
– un recours en justice véritable pour les femmes, avec la création de juridictions spécialisées contre les violences. Il faut recevoir les plaintes des femmes et cesser de disqualifier les crimes à leur encontre. Les magistrats et tout le personnel des institutions policière et judiciaire doivent recevoir une formation spécifique sur la psychotraumatologie et l’évaluation de la dangerosité des auteurs de violences.
– des mesures contre les violences gynécologiques et obstétricales.
– la création dans les établissements scolaires d’ateliers pédagogiques différenciés entre filles et garçons pour aborder les questions du corps et de la sexualité et lutter contre la violence véhiculée par la pornographie et le système prostitutionnel.
Il faut défendre avec vigueur le modèle abolitionniste français, et la loi de pénalisation des clients de la prostitution.
Une éducation aux droits fondamentaux des filles et des garçons et au respect de la liberté des filles doit y être organisée. Les jeunes doivent être sensibilisés aux comportements misogynes et les enseignants formés à une culture de la parité. Il faut d’urgence revenir sur la loi de 2018 contre les violences sexuelles et sexistes qui n’a posé aucune présomption de non-consentement pour les mineur.e.s concernant l’incrimination de viol.
Pour une meilleure santé des femmes !
La médecine, la recherche scientifique et la pharmacologie encore largement conçues à partir d’un corps d’homme doivent prendre en considération celui des femmes avec leurs cycles.
La création de centres de santé génésique doit être développée ; il faut de même restaurer la gynécologie médicale
Toutes les femmes doivent pouvoir accoucher de manière sécurisée à moins d’une heure de leur domicile, choisir d’avoir ou non des enfants, avoir accès à la PMA, à la congélation d’ovocytes, quelles que soient leur situation et leur orientation sexuelle.
La lutte contre la pollution de la nature et le dérèglement climatique doit être une priorité absolue !
La dégradation de l’environnement qui touche les femmes au premier chef frappe la fécondité et menace l’humanité : un quart des couples ont des difficultés à faire des enfants, la fertilité des spermatozoïdes est en baisse importante.
Il faut accélérer et assumer une politique offensive de lutte contre les perturbateurs endocriniens et autres poisons pour le corps humain et la planète.
Pour une véritable parité
Les femmes ont acquis un droit de présence, mais pas encore les moyens de transformer significativement l’exercice du pouvoir, de le démocratiser en expérimentant des formes nouvelles. Il est nécessaire :
– d’aller plus avant sur le chemin de la parité pour permettre l’élaboration de politiques rendant justice aux femmes et répondant à leurs besoins.
– de mettre réellement en œuvre l’égalité femme-homme dans toutes les politiques publiques en renforçant les mécanismes de contrôle, et en imposant la parité dans toutes les instances de décision.
– de sortir d’une logique de clans et de micro-identités au bénéfice de l’intérêt général.
– de promouvoir le Matrimoine et d’intégrer dans la culture commune les œuvres et les réalisations des femmes, notamment dans les programmes scolaires et universitaires.
Renforcer le socle symbolique des droits des femmes.
Pour ce faire :
– Inscrire dans la Constitution que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens et citoyennes quels que soient leur sexe, leur origine ethnique, leur religion, leur opinion et leur orientation sexuelle ». Et y intégrer le concept de parité.
– Amender hymnes, devises et emblèmes nationaux pour qu’ils intègrent l’existence et la citoyenneté des femmes.
– Mettre fin dans la langue à la domination du masculin sur le féminin.
Nous voulons un ministère des Droits des femmes confié à un.e ministre de plein exercice.
Nous voulons que le 8 Mars, journée internationale des femmes, devienne un jour férié, chômé et payé pour toutes les femmes, en reconnaissance de leur apport à la société.
Pour une laïcité porteuse des droits des femmes
Il est primordial de veiller avec la plus grande détermination à ce que la religion ne pénètre pas le champ politique et de préserver et développer le modèle d’une République laïque et paritaire.
Il faut faire prévaloir en France les droits des femmes sur les traditions et codes de la famille discriminatoires voire meurtriers qui s’exercent aujourd’hui sur le territoire français (mutilations génitales, codes de la famille infériorisants, port du voile et autres vêtements religieux…).
Nous sommes déterminées, adultes et responsables.
Nous connaissons les difficultés de la France et du monde. Ce premier programme, nous le savons, est porteur d’une libération des énergies, de la créativité et de richesses insoupçonnées.
Nous comptons pour sa mise en œuvre sur nos propres forces solidaires et sur toutes les forces démocratiques de notre pays !
Pour signer et faire signer ce Manifeste
www.change.org/p/christine-villeneuve-justice-pour-les-femmes