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PODCAST – “Il y a des choix à faire, de société, de civilisation.” Christine Villeneuve

Propriétaire d’une librairie et d’une salle d’exposition, les éditions des femmes-Antoinette Fouque ont subi en quelque sorte deux fois le choc de la mise en quarantaine. Mais pour Christine Villeneuve, co-directrice de la maison, « le confinement n’empêche pas l’activité, elle l’a stimulée même, d’une certaine manière ». Cette pandémie est particulièrement difficile pour les femmes qui sont en première ligne, il semble que pour faire face à cette crise on ait plus que jamais besoin de pensées féministes.

Des eBooks pour vivre libres même confiné.e.s

Les premiers e-books des éditions des femmes-Antoinette Fouque disponibles le 20 avril sur tous les sites de téléchargement. Texte de présentation à télécharger

C’était un projet de longue date et le confinement nous a conduites à le réaliser : treize titres des éditions des femmes-Antoinette Fouque sont désormais accessibles en e-books sur tous les sites de téléchargement.

En cette période difficile, particulièrement pour les femmes toujours plus sollicitées par l’attention aux autres et plus que jamais victimes de violences (le ministre de l’Intérieur a annoncé une hausse des violences à leur égard de 30 %), nous avons choisi des livres qui donnent de la force, de l’optimisme, du dynamisme et rappellent le rôle décisif et vital des femmes et de leurs mouvements.

Nous proposons pour lancer ce nouveau format: Déni de l’Américaine Jessica Stern qui décrypte les effets et l’impact psychique des violences et brise le déni du viol et de toutes les formes de violences ; Cours petite fille! sous la direction de Samuel Lequette et Delphine Le Vergos, qui revient sur le mouvement planétaire #MeToo, ou encore ce classique de l’analyse de la répression contre les avancées des femmes, Backlash de Susan Faludi, prix Pulitzer.

Pour agir, même confinées, Sarah Constantin, Elvire Duvelle-Charles et Alice Des offrent un réjouissant Manuel d’activisme féministe, Clit Révolution, tout à la fois gai et sérieux qui donne des informations, des idées et des méthodes pour continuer à changer le monde.

Elles font ou ont fait partie du mouvement Femen qui, il y a quelque dix ans, a ramené la question des femmes sur le devant de la scène. Dans Rébellion, ce sont des militantes de l’ensemble de ce mouvement à travers le monde qui témoignent et racontent leurs luttes.

Ne plus avoir honte de son corps et en parler avec humour, c’est la mission que s’est aussi donnée Élise Thiébaut dans sa pièce de théâtre intitulée Tout sur le rouge, celui des règles bien entendu.

Exemple de courage et de créativité, la journaliste, militante pour les femmes et artiste kurde Zehra Doğan, emprisonnée en Turquie pour avoir exprimé ses opinions, illumine de sa pulsion de vie la prison et le monde avec Nous aurons aussi de beaux jours.

Autre temps, autre destin, même courage, France Bloch-Sérazin, une femme en résistance, est le titre de la magnifique biographie que l’historien Alain Quella-Villéger consacre à cette jeune chimiste, juive et communiste à l’humanité renversante, assassinée par les nazis.

Plus près de nous, l’histoire contemporaine du combat des femmes à (re)découvrir: MLF – Psychanalyse et politique, 1968-2018 en deux volumes (Collectif), des premiers cris de révolte à la transformation du monde, avec des archives inédites, des témoignages, le récit des accomplissements. Une référence incontournable.

Avec Les Sociétés matriarcales, qu’elle a étudiées durant 40 ans, des plus anciennes à celles qui subsistent à ce jour, Heide Goettner-Abendroth fait la démonstration que la domination masculine n’est qu’un moment de l’histoire et que d’autres modèles – positifs – de sociétés sont possibles.

Et pour aller plus loin et comprendre, en ce moment de prise de conscience de l’épuisement du modèle de société dominant, comment les femmes sont porteuses du changement de paradigme que beaucoup appellent de leurs vœux, ne pas manquer les livres d’Antoinette Fouque qui articule action et pensée, femmes et éthique, et propose dans Gravidanza – Féminologie II et Génésique – Féminologie III, un « nouveau contrat humain ».

Luttons contre deux pandémies, le virus et la misogynie, mortelles pour l’espèce humaine !

Alerte :

 augmentation de 32 % des violences conjugales
depuis le début du confinement…

LUTTONS CONTRE CE QU’ANTOINETTE FOUQUE APPELAIT « LA PESTE MISOGYNE »

COMMUNIQUE DE PRESSE DU 31 MARS 2020
HAUT CONSEIL A L’ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

HCE-RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Violences conjugales et confinement : la seule solution de protection est l’éviction des agresseurs
Si le confinement au sein de nos maisons a pour but légitime d’assurer la protection sanitaire individuelle et collective, nous savons que dans le contexte des violences conjugales, la maison n’est pas le lieu de la sécurité mais celui du danger. Ce danger est accru par le confinement dans des proportions alarmantes. Ainsi les interventions des forces de sécurité intérieure au domicile pour violences conjugales ont augmenté d’au moins 32% sur l’ensemble du territoire national depuis le début du confinement.

Le HCE reconnait les initiatives prises par le gouvernement pour mettre en place un plan d’urgence destiné à prendre en charge les femmes victimes de violences conjugales et leurs enfants.
Cette situation de confinement appelle à la mise en œuvre de dispositifs et de pratiques professionnelles inédites pour assurer leur protection dans cette période de crise.
Le confinement rend tout d’abord plus difficile le signalement des violences conjugales par les femmes victimes et le repérage par les tiers. Les opportunités ouvertes pour faciliter la révélation des faits dans les pharmacies et les centres commerciaux vont dans le bon sens. Une vigilance particulière doit également être mise en œuvre dans l’accueil des femmes victimes au sein des commissariats et gendarmeries.
Le HCE salue le maintien de la plate forme d’écoute du 3919 et l’action des salarié.e.s et bénévoles des associations qui poursuivent leur accompagnement des femmes victimes de violences.
Le HCE salue l’action des forces de sécurité intérieure qui, malgré le confinement et les risques sanitaires, poursuivent leur mission de protection en intervenant au domicile des femmes victimes de violences conjugales. Sans leur intervention, aucune mise en sécurité ne serait possible. Leur rôle est donc absolument crucial dans cette période critique.
Le HCE salue également l’action de l’autorité judiciaire qui permet de mettre en œuvre des procédures pénales d’urgence ou de délivrer en urgence des ordonnances de protection pour neutraliser les violents conjugaux et assurer la sécurité des victimes.
Mais le HCE rappelle qu’aucune mise en sécurité des victimes n’est possible sans organiser la décohabitation entre l’agresseur et la victime.
Le HCE note les 20 000 nuitées d’hôtel, annoncées ce jour par la secrétaire d’Etat aux droits des femmes et à lutte contre les discriminations, Marlène Schiappa, pour les femmes victimes et les agresseurs.
Dans le contexte du confinement, la seule mesure garantissant une mise en sécurité des femmes victimes de violences conjugales et de leurs enfants est l’éviction de l’agresseur. Cette mesure permet d’abord que les victimes retrouvent leur sécurité au sein de leur lieu de vie. Elle permet aussi d’assurer le contrôle des déplacements des agresseurs compte tenu des règles du confinement.
Pour garantir une décohabitation rapide, il est indispensable et urgent de réserver des places d’hôtel pour les violents conjugaux. Il importe de cibler prioritairement l’éviction des conjoints violents et le HCE estime que 500 places d’hôtel sont nécessaires, en ce sens, pour le mois d’avril au niveau national. Sur la base d’un coût moyen de la nuitée de 40 euros, le financement est donc de 600 000 euros pour le seul mois d’avril.
Dans la période exceptionnelle que traverse notre pays, et quelques semaines après la fin des travaux du Grenelle consacré aux violences conjugales, le HCE tient à affirmer fortement que la priorité en cette période de confinement est d’assurer la mise en sécurité des femmes victimes de violences conjugales et de leurs enfants par l’éviction du conjoint violent.
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De Christophe Castaner, Ministre de l’intérieur :
« En cette période de confinement, et donc de risque accru, la lutte contre les violences conjugales reste une priorité. Nous devons aussi adapter nos réponses. Grâce à@Ordre_Pharma, les victimes pourront s’adresser à leur pharmacien de quartier qui alertera les forces de l’ordre. »
https://www.intehttps://www.interieur.gouv.fr/Actualites/L-actu-du-Ministere/Le-Gouvernement-pleinement-mobilise-contre-les-violences-conjugales-et-intrafamiliales
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En cas de suspicion de violence conjugale, appelez le 3919
En cas de suspicion de violence sur mineur, appelez le 119 (appel gratuit qui n’apparaît pas sur les relevés téléphoniques).
A partir du lundi 30 mars la secretaire d’Etat à l’Egalité femmes-hommes, a annoncé la mise en place de « points d’accompagnement éphémères » dans des centres commerciaux, afin d’accueillir les femmes victimes de violences.

MOBILISATION A TRAVERS LE MONDE
En France comme en Argentine… faisons du bruit…pour que les voisins entendent, pour que la police entende, pour que la justice entende la plainte des femmes violentées dans les maisons ..
de « Ni Una Menos » @NiUnaMenos21

Les femmes sud-américaines font du bruit pour les femmes à leurs fenêtres pendant le #confinement.
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9:25 PM · 30 mars 2020Twitter Web App

8 mars 2020

« On n’est pas hystériques, on est historiques ! »

Diffusé le 13 mars sur France Culture dans l’émission »Hastag »à réécouter en suivant le lien :
https://www.franceculture.fr/emissions/hashtag/nest-pas-hysteriques-est-historiques

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DIMANCHE 8 MARS 2020 

Nous avons manifesté pour la Journée internationale
des droits des femmes.

À Paris, départ de la place d’Italie, en direction de la place de la République.

À Marseille, départ sur le Vieux port.

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Dans le cadre de #ToutesFéministes : Journée spéciale sur France Inter, vendredi 6 mars 2020, avec Kombini.

Du MLF aux FEMEN, trois générations de féministes nous racontent leurs combats, par Christine Siméone.

Delphine Remy-Boutang( à gauche), Michèle Idels (au centre), Elvire Duvelle-Charles (à droite)Delphine Remy-Boutang( à gauche), Michèle Idels (au centre), Elvire Duvelle-Charles (à droite) © JFD- François Tancré/ Silvina Stirnemann/Laure Bourdon Zarader

France Inter propose une journée #ToutesFéministes avec les témoignages de toutes celles qui luttent et qui ont lutté pour que les femmes restent maîtres de leur corps et de leur destin. Nous avons choisi trois femmes, issues de trois générations différentes, pour illustrer les différentes perspectives de ces combats féministes. Michèle Idels est une intellectuelle, Delphine Remy-Boutang , est communicante et « business-woman », alors que Elvire Duvelle-Charles est journaliste et réalisatrice.

Michèle Idels, avocate, 70 ans, MLF
« C’est en 1968 qu’est née la conscience qu’il existe une condition universelle des femmes »

Son engagement : Michèle Idels est avocate. Elle a 70 ans. Elle est membre du Mouvement de Libération des Femmes depuis 1971, trois ans après sa fondation par Antoinette Fouque. Cet engagement a pris forme, ensuite, au sein des éditions Des femmes, émanation du MLF. Michèle Idels a aussi participé aux grandes conférences de l’ONU sur les femmes et le développement, et elle est co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie.

L’origine de son engagement féministe : Pour elle le MLF a réellement permis l’ouverture d’une nouvelle époque. Avant 68, les femmes étaient exclues de toute visibilité positive, explique Michèle Idels :  » On ne parlait de rien, ni de leur exclusion, ni de leur sexualité, ni de leur fécondité « . Mais le MLF est allé plus loin que la révolution sexuelle de mai 68, et comme le disait Antoinette Fouque, sa co-fondatrice, ce mouvement est né  » contre ce que mai 68 avait de viriliste, de guerrier et de machiste ».  » Une conscience est née « , explique Michèle Idels,  » une conscience que les femmes existent, et qu’il y a une condition universelle commune aux femmes ».

Son regard sur les différentes générations de féministes : Après les conquêtes telles que l’abolition de la puissance paternelle au bénéfice de l’autorité parentale en 1970, le droit à la contraception puis à l’avortement en 1974, et le droit à la parité en 1999, Michèle Idels considère que la génération suivante, celles des filles du MLF a été plus silencieuse mais toujours agissante.  » Elles ont voulu s’insérer dans le monde professionnel, dans le monde politique, elles ont travaillé plus individuellement ». Mais le chemin parcouru, les avancées obtenues, n’effacent pas « la persistance des phénomènes de sexisme, de violences, et de harcèlement ». À l’heure de #MeToo, les anciennes du MLF, aujourd’hui engagées aux Éditions des femmes, comme Michèle Idels, estiment qu’après un moment de refoulement de leur mouvement, de mise sous silence, rompu par l’émergence du mouvement FEMEN,  » #MeToo a légitimité notre combat pour la libération de la parole depuis le début » .

Que toutes les femmes ne soient pas d’accord, « c’est normal, cela se comprend » , explique l’avocate. « Il y a toujours eu plusieurs tendances, dès le début, autour de débats qui traversent toute la société, comme la prostitution, la place des religions…  » Aujourd’hui encore, toutes les femmes ne pensent pas à l’unisson et dans les débats actuels post-César, différents points de vue s’affrontent. Mais Michèle Idels prévient :  » L’accent mis sur la division des femmes entre elles, pose question. On ne pourra avancer que si tous les combats sont solidaires. »

Comment elle voit l’avenir du combat féministe : Pour elle, il est important que les femmes fortes et accomplies comme les comédiennes qui ont porté #MeToo continuent de témoigner sur ce qu’elles subissent, car cela donne du courage à toutes les autres. Elle prend l’exemple d’Adèle Haenel :  » Adèle Haenel est une femme puissante, lucide et qui prend tous les risques pour affirmer son désir d’un monde sans haine et sans prédation à l’égard des femmes. Son témoignage est salutaire pour toutes. Le fait de décrire ce qui se passe, partout dans tous les milieux, quand il y a atteinte à l’intégrité des jeunes filles et des jeunes femmes, c’est une question de santé publique et une question politique majeure ». Au-delà de cette libération de la parole, le combat qui s’annonce est de surmonter cette  » protestation virile » , selon le terme d’Antoinette Fouque, qui s’exerce contre toutes les avancées des droits des femmes et les menace, qu’il s’agisse du droit à l’avortement dans divers pays, ou de la volonté de discréditer et de jeter l’anathème sur la parole des victimes de violences ou de harcèlement.

Delphine Rémy-Boutang, fondatrice de la Journée de la femme digitale, 50 ans
« Les systèmes qui ont mis les femmes à l’écart sont les mêmes que ceux qui ont mis à mal la nature »

Son engagement : Delphine Remy-Boutang est fondatrice de la Journée de la femme digitale . Elle ne milite dans aucune association féministe, mais elle se dit féministe. Pour l’être,  » il suffit de faire le constat des inégalités » . Son agence de communication est à l’origine d’un manifeste pour un monde digital inclusif, reconnu par le secrétariat d’État chargé du Numérique, et d’un prix, les Margaret, en hommage à l’informaticienne de la Nasa, Margaret Hamilton, décerné aux créatrices d’entreprises. « Ma démarche est business » , dit-elle, « car je crois qu’il faut agir. Entreprendre c’est ce donner cette liberté de mouvement et d’action. Les femmes doivent avoir ce pouvoir. Les inégalités coûtent cher. Si notre société était égalitaire, le PIB de notre pays serait de 16 milliards d’euros supplémentaires ».

L’origine de son engagement féministe : Elle est de cette génération de femmes, nées après 70, pour qui, les droits étaient acquis et une place dans le monde du travail assurée. Il n’y avait aucune raison de s’alarmer. Sa prise de conscience a commencé en arrivant dans le monde du travail, chez IBM en Angleterre. « L es photos de femmes derrière les premiers ordinateurs, si nombreuses » témoignant des débuts de l’informatique, lui ont permis de mesurer l’écart avec la réalité du XXIe siècle. Rentrée en France, elle s’est rendue compte à quel point la société française était fermée aux profils atypiques, à ceux, et celles, qui ne sortent pas du circuit des grandes écoles.

Son regard sur les différentes générations de féministes : Cette conscience d’une condition universelle des femmes, mise au jour par le MLF, telle que la décrit Michèle Idels, n’a pas été enseignée aux enfants d’après 1970, comme Delphine. « À l’école, on ne m’a pas parlé de tout cela. Et quand une fille prenait la parole, les professeurs estimaient qu’elle avait du culot, alors que pour les garçons on parlait d’ambition. »

Elle a tout à fait conscience d’être de cette génération entre deux, et constate elle aussi que certaines femmes de sa génération ou un peu plus âgées, ne remettent pas en cause la répartition actuelle des rôles.  » J’ai confiance en elles, elles prendront bientôt conscience de la réalité. Je ne crois pas non plus à cet argument qui consiste à nous reprocher notre manque d’esprit collectif, il n’est là que pour nous discréditer. Oui nous avons besoin d’être plus solidaires, de nous fédérer, c’est ce que nous faisons et je suis sûre que la sororité des femmes vaincra. »

Comment elle voit l’avenir du combat féministe : Pour elle, il y a encore beaucoup de travail, à tous les niveaux. Par exemple, faire émerger des modèles féminins, et permettre aux femmes d’accéder à la puissance financière qui permet d’entreprendre. Elle souligne que « 98% des investissements pour entreprendre dans le monde, sont dédiés à des projets portés des hommes. Il ne reste que 2% pour les initiatives des femmes ». Il n’est pas question d ‘ »attendre encore un siècle » pour que hommes et femmes soient sur un pied d’égalité. Par ailleurs, c’est vers la nature que se tourne aussi son regard. Dephine Rémy-Boutang, est attachée à une nouvelle dimension du féminisme, l’éco-féminisme car « les systèmes qui ont mis les femmes à l’écart sont les mêmes que ceux qui ont mis à mal la nature ».

Elvire Duvelle-Charles, 32 ans, FEMEN
« Sur les questions de genre, de maternité, sur la trans-identité, on ne peut pas être sur les mêmes lignes [que nos aînées], c’est une question d’époque »

Son engagement : Elvire Duvelle-Charles, 32 ans, est engagée au sein du mouvement des FEMEN en 2013, et mène une « clit révolution », comme elle l’appelle. Avec Sarah Constantin, elles sont connues, entre autres, pour avoir réalisé une parodie du clip du rappeur Orelsan, Saint Valentin , où elles détournent cette chanson profondément sexiste pour en faire un hymne féministe. Elles publient aussi ensemble un Manuel d’activisme féministe qui parait début mars, aux éditions Des femmes/Antoinette Fouque.

L’origine de son engagement féministe : Elle a côtoyé les premières figures de référence féminines comme Rosa Parks , dans les livres d’Histoire, au lycée. « Je vivais tout cela de manière silencieuse, et ces modèles de femmes qui suscitaient beaucoup d’admiration chez moi, appartenaient à une autre époque  » témoigne-t-elle.

Ce n’est qu’en militant pour les FEMEN, qu’Elvire a rencontré les représentantes des éditions Des femmes, issues du MLF. C’est une rencontre un peu par hasard.  » C’était assez bouleversant, car pour moi c’étaient des personnages historiques, pas des vraies femmes, et en fait oui, elles étaient vivantes, actives, et toujours revendicatives. »

Son regard sur les différentes générations de féministes : Une forme de sororité est née entre les anciennes et les plus jeunes. Les éditions Des femmes viennent parfois en soutien logistique. Plus jeunes et anciennes ont même manifesté ensemble contre la prostitution.  » Même s’il y a des divergences de vues ou de pensée, elles nous aident » reconnait Elvire, à l’endroit de ses grandes sœurs.  » Nous n’avons pas la même vision des luttes d’aujourd’hui. Sur les questions de genre, de maternité, sur la trans-identité, on ne peut pas être sur les mêmes lignes, c’est une question d’époque ».

Comment elle voit l’avenir du combat féministe : Pour les jeunes femmes de FEMEN, qui dénoncent notamment les violences et le harcèlement, il s’agit donc d’opérer une révolution des mentalités, plutôt que d’acquérir de nouveaux droits. Les rapports de séduction, les modèles de sexualité et d’érotisme sont à réinventer, et  » c’est ce qui perturbe beaucoup de personnes qui ne sont pas dans les luttes. Or la difficulté c’est d’énoncer ce dont on doit se séparer sans avoir de repère pour l’avenir. »

Pour la jeune génération, c’est le système patriarcal qui est à remettre en cause complètement. Et bien au-delà, Elvire considère déjà que la génération à venir ira beaucoup plus loin encore.  » Aujourd’hui, la génération des lycéennes parlent de gender fluid, c’est-à-dire de personnes qui peuvent se vivre parfois au féminin, parfois au masculin ». Que sera le féminisme au pays des gender fluid, des non-binaires, des agenres ? « En tout cas, les jeunes qui arrivent seront beaucoup plus engagés, y compris sur les questions environnementales, terrain sur lequel nous ne sommes pas chez les Femen. Leurs combats vont évoluer, elles seront plus intersectionnelles, et ils vont trouver des nouveaux modèles de luttes car tout va évoluer ».

Hommage à Antoinette Fouque

Antoinette Fouque nous a quitté.é.s le 20 février 2014

Et de tout cœur avec elle l’Espace des femmes  a organisé le 20 février 2020 un concert de piano

Solène Perrera a interprété :

« Triptyque »

Frédéric Chopin Valse Op. 64 n°1, Étude n°4

Clara Schumann Romances Op. 11

Pauline Viardot Sérénade

Marie Jaëll Les Ombres

Agathe Backer Grøndahl Summer song

Claude Debussy Arabesque

Edvard Grieg La valse d’Anitra ; Dans l’antre du roi de la montagne

Erik Satie Trois Gnossiennes

Germaine Tailleferre Adagio

Maurice Ravel Prélude 1913

 

 

Appel en solidarité avec Asli Erdogan

Nous sommes aux côtés d’Aslı Erdoğan et de tous les co-inculpé.e.s journalistes et défenseur.e.s des droits humains poursuivi.e.s en Turquie, pour défendre leurs vies, la liberté d’expression et les droits démocratiques.
Sur les cinq continents, en 2016, artistes, auteurs et autrices, intellectuel.les, défenseur·se·s des droits humains, associations, éditeurs et éditrices, se sont mobilisé·e·s pour exiger la libération de la romancière Aslı Erdoğan emprisonnée en Turquie le 16 août, pour avoir écrit quatre articles dans le journal Özgür Gündem. Grâce à la mobilisation, cette grande figure de la démocratie dans son pays est sortie de prison le 29 décembre 2016.
Mais alors qu’elle est aujourd’hui en exil, le procès à son encontre continue et s’accélère soudainement. Aslı Erdoğan a tout d’abord été accusée de « tentative de destruction de l’unité de l’État », d’« appartenance à organisation terroriste » et de « propagande terroriste », incriminations passibles de la prison à vie.
Il y a un mois, le Procureur a renoncé aux deux premiers chefs d’accusation et a retenu celui de «propagande terroriste ». Il a requis une peine de prison pouvant aller jusqu’à 9 ans. Et contre les rédacteurs en chef du journal et Eren Keskin, présidente de l’Association des droits de l’Homme, des peines allant jusqu’à 15 ans d’emprisonnement.
Le 14 février 2020 aura lieu une nouvelle audience, annoncée précipitamment.
Nous rappelons que les quatre articles d’Aslı Erdoğan incriminés ont été publiés en 2016 dans un journal légal, Özgür Gündem, qui, même si il a été interdit depuis, n’a pas été alors poursuivi pour ces parutions. Ces mêmes articles ont été publiés et édités en plusieurs langues par plus de douze maisons d’édition et sur divers supports, et ont fait l’objet de lectures publiques. Sommes-nous toutes et tous complices de « propagande terroriste » ?
« La Turquie a lancé une guerre totale contre les Droits humains, la littérature et pire encore, la CONSCIENCE », vient de nous écrire Aslı Erdoğan en lançant un appel à la solidarité.
Nous, soussigné·e·s, appelons à condamner sous toutes les formes possibles ces atteintes directes et inacceptables à la liberté d’expression et aux droits démocratiques.
Nous appelons à la solidarité avec Aslı Erdoğan et les co-inculpé·e·s dans ce procès, et au-delà, avec toutes les femmes courageuses particulièrement menacées aujourd’hui, ainsi que toutes celles et ceux qui, en Turquie, continuent à s’exprimer au risque de leur liberté.

Cet appel est lancé à l’initiative de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, des Éditions des femmes-Antoinette Fouque et de la rédaction de Kedistan.
Premier.e.s signataires :
ActuaLitté (la rédaction), Laure Adler (journaliste), Joseph Andras (auteur), Igor Babou
(universitaire), Ella Balaert (écrivaine), Sophie Bassouls (photographe), Anne Emmanuelle Berger (universitaire) Gérard Biard (journaliste), Dominique Blanc (comédienne), Izabella Borges (universitaire, traductrice), Paule du Bouchet (écrivaine, éditrice), Sophie Bourel (comédienne), Sonia Bressler (philosophe, présidente de l’AFFDU), Carmen Castillo (cinéaste), Chantal Chawaf (écrivaine), Hélène Cixous (écrivaine), Etienne Copeaux (historien), Marie Darrieussecq (écrivaine), Zehra Doğan (artiste, écrivaine), Alicia Dujovne Ortiz (écrivaine), Annie Ernaux (écrivaine), mouvement FEMEN, Dominique Grange (chanteuse), Sterenn Guirriec (comédienne, metteuse en scène), Bülent Gündüz (cinéaste), H/F Île de France, Hijos Paris, Francesca Isidori (journaliste, directrice artistique), Sylvie Jan (France-Kurdistan), Emmanuel Lascoux (helléniste), Philippe Le Duc (artiste scénographe), Joëlle Le Marec (universitaire), Nathalie Léger-Cresson (écrivaine), Lio (chanteuse, actrice), Catherine Malard (le dire et l’écrire), Carole Mann (sociologue, women in war), Valérie Manteau (écrivaine), Claire Mauss-Copeaux (historienne), Mengue M’Eyaà (présidente Mouvement civique des femmes du Gabon), Jacqueline Merville (écrivaine, artiste), Daniel Mesguich (acteur, metteur en scène), Ümit Metin (l’ACORT), Anna Mouglalis (actrice), Denis Péan de Lo’jo (musicien), PEN club français, Emmanuel Pierrat (avocat, écrivain), Titi Robin (musicien), Agnès Rosenstiehl (écrivaine, illustratrice), Tony Rublon (amitiés kurdes de Bretagne), Fabienne Servan Schreiber (productrice de films), Tardi (auteur, dessinateur), Marina Vlady (actrice), Catherine Weinzaepflen (écrivaine), Laurence Zordan (philosophe, écrivaine).

Appel publié dans l’Humanité le dimanche 2 février 2020

Manifestons notre solidarité avec Aslı Erdoğan menacée de 9 années de prison en Turquie avec d’autres co-inculpé.e.s qui ont usé de leur liberté d’expression. Vous pouvez signer ce texte ici

Lutte contre la Pédophilie

Le 18 septembre 1996, en session plénière du parlement européen Antoinette Fouque, eurodéputée fait une intervention contre la pédophilie qu’elle qualifie de structurelle et termine par cette injonction : « Européen un peu de courage, il nous faut éradiquer de notre inconscient culturel cette tradition perverse qu’est la péophilie (…) inventons une vraie philosophie des droits de l ‘enfant. »

A ne pas manquer dimanche 5 janvier de 12h45 à 13h30 l’émission « Signes du temps » sur France Culture animée par  Marc Weitzmann, intitulée « Springora-Matzneff ou l’oubli du scandale » avec Michèle Idels, Blandine Rinkel et Denis Collin.

 

 

La retraite des femmes

Ce que la réforme des retraites va vraiment faire aux femmes

Les acteurs politiques et syndicaux parlent de rattrapages,
de “points de solidarité” pour les femmes, comme

si un léger saupoudrage pouvait réduire leur surexploitation massive.

Aujourd’hui encore, les femmes, qui assurent un triple travail, procréateur, domestique, professionnel, sont gravement pénalisées pour les richesses qu’elles apportent, quand vient le temps de la retraite. Du fait du cumul des inégalités et des discriminations, elles perçoivent une pension en moyenne inférieure de 42% à celle des hommes, et arrêtent de travailler environ un an plus tard qu’eux. Cet écart s’est encore creusé entre 2016 et 2017 [1]. Seront-elles, comme l’affirme le gouvernement, les “grandes gagnantes” de la réforme en cours? Celle-ci est-elle à la hauteur des enjeux? Entre les petites améliorations et les importants reculs qu’elle contient, il est très difficile d’en être persuadées.

D’un côté, 20% des femmes actuellement obligées, du fait de leurs carrières incomplètes, d’attendre 67 ans pour percevoir une retraite à taux plein, pourront l’obtenir dès 64 ans, grâce à l’âge d’ “équilibre” prévu. Mais de l’autre, la suppression de la majoration de durée d’assurance de huit trimestres par enfant dans le secteur privé et de quatre dans le secteur public, va pénaliser le grand nombre d’entre elles qui pouvaient partir à 62 ans et devront attendre deux ans de plus.

Du fait du cumul des inégalités et des discriminations, les femmes perçoivent une pension en moyenne inférieure de 42% à celle des hommes, et arrêtent de travailler environ un an plus tard qu’eux.

Une bonification de 5% dès le premier enfant –qui n’existe pas actuellement–, avec un supplément de 2% à partir de trois enfants (ce qui constitue une diminution de 3% par rapport à l’existant) est par ailleurs prévue. S’y ajouterait la prise en considération de 100% du salaire dans le calcul des points relatifs aux congés de maternité, soit un peu plus qu’aujourd’hui. Mais cela suffira-t-il à compenser la suppression des trimestres d’assurance? Et que penser de cette décision de déconnecter totalement la bonification pour enfant de la grossesse et de la maternité?  L’attribuer selon leur choix à la mère ou au père ne favorisera-t-il pas le père dont la pension est généralement plus élevée? Et pourquoi un enfant générerait-il des droits différents en fonction des revenus et/ou de la situation familiale? Quid en cas de séparation? N’allons-nous pas vers un recul de l’indépendance économique des femmes dans le couple?

On nous dit encore que le passage prévu d’un système de retraite fondé sur une durée d’assurance à un système à points, où chaque euro cotisé entrerait dans le calcul de la pension, devrait particulièrement bénéficier aux femmes puisque les petits emplois trop brefs jusque-là pour valider un trimestre seront désormais comptabilisés. Oui. Mais cet avantage ne sera-t-il pas marginal vu le niveau de salaire de ces emplois, alors que par ailleurs le calcul de la retraite s’effectuera sur la totalité de la carrière et non plus sur les 25 dernières années, en général meilleures.

La situation est la même en ce qui concerne les pensions de réversion que les femmes sont 88% à percevoir et qui constituent environ 9% de leurs revenus. On nous présente comme un progrès le fait que son montant s’élèverait au maximum à 70% du revenu total touché par le couple, alors qu’il est aujourd’hui souvent supérieur, et on s’abstient de dire qu’il faudra attendre 62 ans pour l’obtenir contre 55 ans aujourd’hui et qu’elle s’interrompra non seulement en cas de remariage mais aussi, ce qui est nouveau, en cas de divorce.

Quant à cette “mesure phare” de la réforme, qui devrait bénéficier à de nombreuses femmes, la fixation de la retraite minimale à 85% du SMIC, c’est-à-dire à 1000 euros, elle constitue un bien maigre progrès, et ses conditions d’obtention vont rester bien difficiles: avoir 64 ans et une carrière complète ou attendre d’avoir 67 ans.

Alors pourquoi l’injustice majeure faite aux femmes est-elle reconduite, réforme après réforme? Pourquoi les efforts entrepris ne portent-ils jamais leurs fruits ou si peu? La cause est claire mais elle est constamment déniée.

Si les femmes ont ces dernières décennies augmenté de manière spectaculaire leur participation au travail professionnel –améliorant ainsi le niveau général des pensions; si elles ont rattrapé le retard imposé par des siècles de discriminations en ce qui concerne les études et les diplômes; elles n’en continuent pas moins à assurer un travail invisible pour l’économie, quoique vital pour l’espèce humaine et la société, qui n’est pratiquement pas pris en compte. Le renouvellement des générations –qui leur échoit à près de 100%–, les tâches domestiques dont elles assurent 64%, la charge des personnes dépendantes ainsi que la présence auprès des petits-enfants, ne sont pas reconnus comme un travail et ne sont donc ni comptabilisés, ni valorisés. L’INSEE évalue le seul travail domestique à 60 milliards d’heures en 2010, près d’un tiers du PIB. Pour ne rien dire du travail de la procréation et de l’éducation qui font d’elles les premières productrices de richesse, en France et dans le monde.

Pourquoi l’injustice majeure faite aux femmes est-elle reconduite, réforme après réforme? Pourquoi les efforts entrepris ne portent-ils jamais leurs fruits ou si peu? La cause est claire mais elle est constamment déniée.

Mais “au lieu que l’économie additionne ces diverses richesses, elle soustrait les unes et les autres du travail salarial et de l’avenir professionnel des femmes [2]”, écrivait Antoinette Fouque dès les années 1980. “L’impensé en amont de leur triple production [3] se retrouve en aval sous forme d’obstacles à l’égalité et de pénalisation des femmes pour le plus qu’elles apportent à l’humanité.”

C’est ainsi que, malgré des décennies de lois proclamant l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, l’écart de salaires nets perçus quel que soit le temps de travail est de 23,7% à leur détriment. Il est de 9% à travail et à compétence égales. C’est aussi pourquoi elles se retrouvent largement majoritaires parmi les travailleurs à temps partiel, les contrats courts, les petits salaires, les carrières incomplètes notamment du fait des grossesses… exclues des exclus de la société concurrentielle, pauvres parmi les pauvres et à la tête de 85% des familles monoparentales.

Historiquement, lorsque l’activité professionnelle des femmes était moins massive, un certain nombre de dispositifs de compensation adoptés souvent à des fins natalistes ou familialistes mais aussi sous la poussée des mouvements des femmes dès la fin du XIXe siècle ont été mis en place.

Le paradoxe est qu’au cours des dernières décennies, plus les femmes ont investi l’ensemble des champs professionnels et avancé vers l’égalité, moins leur apport spécifique à la société a été pris en considération: suppression d’un âge de retraite plus bas pour les femmes, diminution des avantages fiscaux pour avoir fait et élevé des enfants, diminution de la majoration de durée d’assurance…

Parallèlement, au nom de l’égalité, le législateur a transféré aux hommes des droits qui ne bénéficiaient jusque-là qu’aux femmes. Ainsi, les pères sont aujourd’hui les premiers attributaires des droits dits familiaux.

Il y a dans la réforme actuelle un défaut structurel. Les acteurs politiques et syndicaux parlent  de rattrapages, de compléments, de “points de solidarité” pour les femmes, comme si un léger saupoudrage, à la marge, pouvait réduire leur surexploitation massive, réparer l’injustice. Et tous passent sous silence la racine du mal: la capacité procréatrice des femmes et leur économie altruiste sont la cause majeure de leur pénalisation.

Si la réforme est adoptée en l’état, seules celles qui n’auront pas d’enfant(s) et auront adopté le modèle d’investissement exclusif dans le travail professionnel, compétitif, concurrentiel, pourront espérer échapper à une paupérisation. Les autres, celles qui ne veulent pas renoncer à faire des enfants, comme c’est majoritairement le cas en France où les femmes allient parmi les plus forts taux de fécondité et d’activité professionnelle d’Europe, risquent de payer encore plus cher le prix de leur choix.

Les femmes assurent l’immense partie de l’économie solidaire, elles atténuent la violence de la transition néo-libérale, pallient le recul des services publics, se sacrifient pour assurer autant qu’elles le peuvent une “bonne vie” à leur entourage. Le fardeau qui pèse sur elles est déjà bien trop lourd et entrave leur liberté: pour la quatrième année consécutive, en France, la natalité, qui est aussi la mesure du dynamisme d’un pays et des richesses à venir, est en baisse.

Tous les acteurs politiques passent sous silence la racine du mal: la capacité procréatrice des femmes et leur économie altruiste sont la cause majeure de leur pénalisation.

Plutôt qu’un principe abstrait et neutralisant, l’égalité doit être un droit positif qui tienne compte de la triple production des femmes. “Un principe d’égalité justement pensé doit intégrer la réalité de la fonction génésique des femmes pour que celle-ci, apport vital des femmes à l’humanité, cesse enfin d’être une cause de discrimination [4]” disait encore Antoinette Fouque au Parlement européen.

Il faut sortir de la logique comptable, de la prise en considération du seul individu, de l’uniformisation de toutes et tous. Il y a les tableaux financiers et il y a la vie, le vivant, partout en danger sur la planète et qui reposent en grande partie sur les femmes. Il est plus que temps que leur apport soit reconnu et que justice leur soit faite.

Il faut, pour elles, des mesures d’action positive. La totalité de leur travail doit donner lieu à des droits véritables et significatifs. Leur retraite doit leur permettre de vivre dignement, bien au-delà du seuil de pauvreté auquel le plus grand nombre est confiné. Des politiques publiques doivent être engagées pour réduire les charges qui pèsent sur elles. Leurs revenus doivent être augmentés par des mesures contraignantes.

Depuis plus de 50 ans, les mouvements de libération des femmes ont levé le silence sur toutes les formes de violences sexuelles, économiques, politiques et culturelles, et fait avancer leur indépendance et leurs droits. Avec des milliers d’autres, nous manifestions le 23 novembre dernier contre les violences sexuelles et sexistes. Ici, nous le réaffirmons: le gouvernement doit prendre la mesure des violences économiques qui pèsent sur les femmes, et déployer une véritable politique globale pour que la France devienne, comme il dit le souhaiter, un modèle d’égalité femmes-hommes et de parité, en Europe et dans le monde.

[1] Rapports de la  DREES de juillet 2018 et août 2019.

[2] “Le principe d’égalité en question”, extraits d’une intervention sur le thème Égalité et différence des sexes, octobre 1998, Gravidanza. Féminologie II, des femmes-Antoinette Fouque, 2007.

[3] Triple production ou Trois fois travailleuses, concept élaboré par Antoinette Fouque aux débuts du MLF, développé dans un tract dit « programmatique » de décembre 1970, in Gravidanza.

[4] “Quand le principe d’égalité assimile les femmes aux hommes”, La Lettre de votre députée n°5-6, 4ème trimestre 1998.

Cette tribune a été co-écrite par:

Michèle Idels, avocate, co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie

Christine Villeneuve, juriste, co-directrice des Editions des femmes-Antoinette Fouque

Catherine Guyot, journaliste, militante du MLF et de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, signataire du Manifeste des 343

Élisabeth Nicoli, avocate, militante du MLF, co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie

Sylvina Boissonnas, architecte, membre du collectif “Psychanalyse et Politique” (MLF), signataire du Manifeste des 343
de l’Alliance des femmes pour la démocratie

La retraite des femmes

Ce que la réforme des retraites va faire aux femmes

Tribune publiée dans le HuffPost

Les acteurs politiques et syndicaux parlent de rattrapages,
de “points de solidarité” pour les femmes,
comme si un léger saupoudrage pouvait réduire leur surexploitation massive.

Aujourd’hui encore, les femmes, qui assurent un triple travail, procréateur, domestique, professionnel, sont gravement pénalisées pour les richesses qu’elles apportent, quand vient le temps de la retraite. Du fait du cumul des inégalités et des discriminations, elles perçoivent une pension en moyenne inférieure de 42% à celle des hommes, et arrêtent de travailler environ un an plus tard qu’eux. Cet écart s’est encore creusé entre 2016 et 2017 [1]. Seront-elles, comme l’affirme le gouvernement, les “grandes gagnantes” de la réforme en cours? Celle-ci est-elle à la hauteur des enjeux? Entre les petites améliorations et les importants reculs qu’elle contient, il est très difficile d’en être persuadées.

D’un côté, 20% des femmes actuellement obligées, du fait de leurs carrières incomplètes, d’attendre 67 ans pour percevoir une retraite à taux plein, pourront l’obtenir dès 64 ans, grâce à l’âge d’ “équilibre” prévu. Mais de l’autre, la suppression de la majoration de durée d’assurance de huit trimestres par enfant dans le secteur privé et de quatre dans le secteur public, va pénaliser le grand nombre d’entre elles qui pouvaient partir à 62 ans et devront attendre deux ans de plus.

Du fait du cumul des inégalités et des discriminations, les femmes perçoivent une pension en moyenne inférieure de 42% à celle des hommes, et arrêtent de travailler environ un an plus tard qu’eux.

Une bonification de 5% dès le premier enfant –qui n’existe pas actuellement–, avec un supplément de 2% à partir de trois enfants (ce qui constitue une diminution de 3% par rapport à l’existant) est par ailleurs prévue. S’y ajouterait la prise en considération de 100% du salaire dans le calcul des points relatifs aux congés de maternité, soit un peu plus qu’aujourd’hui. Mais cela suffira-t-il à compenser la suppression des trimestres d’assurance? Et que penser de cette décision de déconnecter totalement la bonification pour enfant de la grossesse et de la maternité?  L’attribuer selon leur choix à la mère ou au père ne favorisera-t-il pas le père dont la pension est généralement plus élevée? Et pourquoi un enfant générerait-il des droits différents en fonction des revenus et/ou de la situation familiale? Quid en cas de séparation? N’allons-nous pas vers un recul de l’indépendance économique des femmes dans le couple?

On nous dit encore que le passage prévu d’un système de retraite fondé sur une durée d’assurance à un système à points, où chaque euro cotisé entrerait dans le calcul de la pension, devrait particulièrement bénéficier aux femmes puisque les petits emplois trop brefs jusque-là pour valider un trimestre seront désormais comptabilisés. Oui. Mais cet avantage ne sera-t-il pas marginal vu le niveau de salaire de ces emplois, alors que par ailleurs le calcul de la retraite s’effectuera sur la totalité de la carrière et non plus sur les 25 dernières années, en général meilleures.

La situation est la même en ce qui concerne les pensions de réversion que les femmes sont 88% à percevoir et qui constituent environ 9% de leurs revenus. On nous présente comme un progrès le fait que son montant s’élèverait au maximum à 70% du revenu total touché par le couple, alors qu’il est aujourd’hui souvent supérieur, et on s’abstient de dire qu’il faudra attendre 62 ans pour l’obtenir contre 55 ans aujourd’hui et qu’elle s’interrompra non seulement en cas de remariage mais aussi, ce qui est nouveau, en cas de divorce.

Quant à cette “mesure phare” de la réforme, qui devrait bénéficier à de nombreuses femmes, la fixation de la retraite minimale à 85% du SMIC, c’est-à-dire à 1000 euros, elle constitue un bien maigre progrès, et ses conditions d’obtention vont rester bien difficiles: avoir 64 ans et une carrière complète ou attendre d’avoir 67 ans.

Alors pourquoi l’injustice majeure faite aux femmes est-elle reconduite, réforme après réforme? Pourquoi les efforts entrepris ne portent-ils jamais leurs fruits ou si peu? La cause est claire mais elle est constamment déniée.

Si les femmes ont ces dernières décennies augmenté de manière spectaculaire leur participation au travail professionnel –améliorant ainsi le niveau général des pensions; si elles ont rattrapé le retard imposé par des siècles de discriminations en ce qui concerne les études et les diplômes; elles n’en continuent pas moins à assurer un travail invisible pour l’économie, quoique vital pour l’espèce humaine et la société, qui n’est pratiquement pas pris en compte. Le renouvellement des générations –qui leur échoit à près de 100%–, les tâches domestiques dont elles assurent 64%, la charge des personnes dépendantes ainsi que la présence auprès des petits-enfants, ne sont pas reconnus comme un travail et ne sont donc ni comptabilisés, ni valorisés. L’INSEE évalue le seul travail domestique à 60 milliards d’heures en 2010, près d’un tiers du PIB. Pour ne rien dire du travail de la procréation et de l’éducation qui font d’elles les premières productrices de richesse, en France et dans le monde.

Pourquoi l’injustice majeure faite aux femmes est-elle reconduite, réforme après réforme? Pourquoi les efforts entrepris ne portent-ils jamais leurs fruits ou si peu? La cause est claire mais elle est constamment déniée.

Mais “au lieu que l’économie additionne ces diverses richesses, elle soustrait les unes et les autres du travail salarial et de l’avenir professionnel des femmes [2]”, écrivait Antoinette Fouque dès les années 1980. “L’impensé en amont de leur triple production [3] se retrouve en aval sous forme d’obstacles à l’égalité et de pénalisation des femmes pour le plus qu’elles apportent à l’humanité.”

C’est ainsi que, malgré des décennies de lois proclamant l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, l’écart de salaires nets perçus quel que soit le temps de travail est de 23,7% à leur détriment. Il est de 9% à travail et à compétence égales. C’est aussi pourquoi elles se retrouvent largement majoritaires parmi les travailleurs à temps partiel, les contrats courts, les petits salaires, les carrières incomplètes notamment du fait des grossesses… exclues des exclus de la société concurrentielle, pauvres parmi les pauvres et à la tête de 85% des familles monoparentales.

Historiquement, lorsque l’activité professionnelle des femmes était moins massive, un certain nombre de dispositifs de compensation adoptés souvent à des fins natalistes ou familialistes mais aussi sous la poussée des mouvements des femmes dès la fin du XIXe siècle ont été mis en place.

Le paradoxe est qu’au cours des dernières décennies, plus les femmes ont investi l’ensemble des champs professionnels et avancé vers l’égalité, moins leur apport spécifique à la société a été pris en considération: suppression d’un âge de retraite plus bas pour les femmes, diminution des avantages fiscaux pour avoir fait et élevé des enfants, diminution de la majoration de durée d’assurance…

Parallèlement, au nom de l’égalité, le législateur a transféré aux hommes des droits qui ne bénéficiaient jusque-là qu’aux femmes. Ainsi, les pères sont aujourd’hui les premiers attributaires des droits dits familiaux.

Il y a dans la réforme actuelle un défaut structurel. Les acteurs politiques et syndicaux parlent  de rattrapages, de compléments, de “points de solidarité” pour les femmes, comme si un léger saupoudrage, à la marge, pouvait réduire leur surexploitation massive, réparer l’injustice. Et tous passent sous silence la racine du mal: la capacité procréatrice des femmes et leur économie altruiste sont la cause majeure de leur pénalisation.

Si la réforme est adoptée en l’état, seules celles qui n’auront pas d’enfant(s) et auront adopté le modèle d’investissement exclusif dans le travail professionnel, compétitif, concurrentiel, pourront espérer échapper à une paupérisation. Les autres, celles qui ne veulent pas renoncer à faire des enfants, comme c’est majoritairement le cas en France où les femmes allient parmi les plus forts taux de fécondité et d’activité professionnelle d’Europe, risquent de payer encore plus cher le prix de leur choix.

Les femmes assurent l’immense partie de l’économie solidaire, elles atténuent la violence de la transition néo-libérale, pallient le recul des services publics, se sacrifient pour assurer autant qu’elles le peuvent une “bonne vie” à leur entourage. Le fardeau qui pèse sur elles est déjà bien trop lourd et entrave leur liberté: pour la quatrième année consécutive, en France, la natalité, qui est aussi la mesure du dynamisme d’un pays et des richesses à venir, est en baisse.

Tous les acteurs politiques passent sous silence la racine du mal: la capacité procréatrice des femmes et leur économie altruiste sont la cause majeure de leur pénalisation.

Plutôt qu’un principe abstrait et neutralisant, l’égalité doit être un droit positif qui tienne compte de la triple production des femmes. “Un principe d’égalité justement pensé doit intégrer la réalité de la fonction génésique des femmes pour que celle-ci, apport vital des femmes à l’humanité, cesse enfin d’être une cause de discrimination [4]” disait encore Antoinette Fouque au Parlement européen.

Il faut sortir de la logique comptable, de la prise en considération du seul individu, de l’uniformisation de toutes et tous. Il y a les tableaux financiers et il y a la vie, le vivant, partout en danger sur la planète et qui reposent en grande partie sur les femmes. Il est plus que temps que leur apport soit reconnu et que justice leur soit faite.

Il faut, pour elles, des mesures d’action positive. La totalité de leur travail doit donner lieu à des droits véritables et significatifs. Leur retraite doit leur permettre de vivre dignement, bien au-delà du seuil de pauvreté auquel le plus grand nombre est confiné. Des politiques publiques doivent être engagées pour réduire les charges qui pèsent sur elles. Leurs revenus doivent être augmentés par des mesures contraignantes.

Depuis plus de 50 ans, les mouvements de libération des femmes ont levé le silence sur toutes les formes de violences sexuelles, économiques, politiques et culturelles, et fait avancer leur indépendance et leurs droits. Avec des milliers d’autres, nous manifestions le 23 novembre dernier contre les violences sexuelles et sexistes. Ici, nous le réaffirmons: le gouvernement doit prendre la mesure des violences économiques qui pèsent sur les femmes, et déployer une véritable politique globale pour que la France devienne, comme il dit le souhaiter, un modèle d’égalité femmes-hommes et de parité, en Europe et dans le monde.

[1] Rapports de la  DREES de juillet 2018 et août 2019.
[2] “Le principe d’égalité en question”, extraits d’une intervention sur le thème Égalité et différence des sexes, octobre 1998, Gravidanza. Féminologie II, des femmes-Antoinette Fouque, 2007.
[3] Triple production ou Trois fois travailleuses, concept élaboré par Antoinette Fouque aux débuts du MLF, développé dans un tract dit « programmatique » de décembre 1970, in Gravidanza.
[4] “Quand le principe d’égalité assimile les femmes aux hommes”, La Lettre de votre députée n°5-6, 4ème trimestre 1998.

Cette tribune a été co-écrite par:
Michèle Idels, avocate, co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie
Christine Villeneuve, juriste, co-directrice des Editions des femmes-Antoinette Fouque
Catherine Guyot, journaliste, militante du MLF et de l’Alliance des Femmes pour la Démocratie, signataire du Manifeste des 343
Élisabeth Nicoli, avocate, militante du MLF, co-présidente de l’Alliance des femmes pour la démocratie
Sylvina Boissonnas, architecte, membre du collectif “Psychanalyse et Politique” (MLF), signataire du Manifeste des 343
de l’Alliance des femmes pour la démocratie

Mots Ecrits, Les violences-Archives de femmes, Histoire des femmes

Jeudi 12 décembre à 19 h à l’Espace des femmes-Antoinette Fouque
33-35 rue Jacob 75006 Paris

Sophie Bourel, artiste, comédienne, et des interprètes amateurs et amatrices, liront des archives rares montrant comment de tout temps les règles patriarcales ont justifié un haut niveau de violences envers les femmes : textes de procès en sorcellerie, interrogatoire sous la question, audience de féminicides  à l’Ancien Régime rapportées par des plumitifs, compte rendu d’assises pour infanticides…

Mots Ecrits est une création artistique, intellectuelle et citoyenne  de la compagnie La Minutieuse pour combattre l’invisibilité dans laquelle l’histoire, la vie, les réalisations des femmes sont maintenues.